LA GUERRE DES NERFS D’ERDOGAN, par François Leclerc

Billet invité.

La frontière maritime de la Turquie avec la Grèce va-t-elle rester porte close pour les réfugiés, relançant dans le cas contraire leur exode au sein de l’Union européenne avant l’hiver ? La question se trouve à nouveau posée depuis l’interview que le ministre des affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu a accordé hier à Neue Zürcher Zeitung.

La date limite fin octobre de la suppression des visas à l’entrée dans l’Union européenne pour les ressortissants turcs dépassée, le ministre a menacé de dénoncer dans les jours qui viennent l’accord qui n’est pas appliqué, sans qu’il soit possible de faire la part de la forfanterie dans ses propos dans le contexte turc actuel.

Lors de l’épisode précédent, les autorités turques s’étaient refusées d’adoucir la loi anti-terroriste, que le Parlement a depuis adopté. Depuis, les fermetures de stations de télévision, de radio et de journaux sont intervenues à la chaîne, ainsi que les arrestations d’une douzaine de dirigeants et journalistes de Cumhuriyet, le principal quotidien d’opposition. L’épuration massive parmi les fonctionnaires se poursuit, et aucun secteur n’est épargné. Le pouvoir était autocratique, il devient dictatorial.

Pour preuve, onze députés du parti démocratique des peuples (HDP), pro kurde, dont ses deux co-dirigeants, ont été arrêtés et placés en garde à vue dans le nuit de jeudi à vendredi, dans le cadre d’une enquête « antiterroriste ». En mai dernier, le Parlement avait voté une loi annulant l’immunité des parlementaires menacés de poursuites judiciaires.

Recep Tayyip Erdogan a accusé jeudi dernier l’Allemagne d’« héberger des terroristes », n’ayant pas obtenu de réponse favorable à sa demande d’extradition de 4.000 ressortissants turcs vivant en Allemagne et considérés comme des putschistes à la suite des évènements du 15 juillet dernier. « L’Allemagne est devenue l’un des plus importants pays en ce qui concerne l’hébergement des terroristes », a lancé l’autocrate.

Alors que le dispositif d’endiguement des réfugiés côté libyen est loin d’être opérationnel, celui qui a été mis en place en Turquie va-t-il longtemps résister ? Les plus hautes autorités européennes vont-elles longtemps pouvoir continuer à renier les valeurs dont elles se réclament et cesser d’opposer au régime turc de simples protestations de principe ?